Moda et Dan
Publié le 5 Mai 1992
Moda et Dan est un groupe de hiphop formé en 1992 par Moda Diack et Daniel Fourneuf.
De son vrai nom Moda Diack, Moda est né en Décembre 1970 et grandi à Sarcelles (Val d'Oise) ; il est au collège avec Passi et tous les mercredis après midi, ils se retrouventsous les escalators du quartier des Flânades (centre commercial) pour danser, enchaîner les figures, impressionner et défier l’autre. Ils se mettent également au rap avec Hamed Daye le beatboxer Gary X. Ils forment les T.A.B. (pour « The Athletic Breakers »). Porté par la fougue de Moda, le groupe se structure et s’étoffe et monte l'association A.M.E.R. Posse. Le petit groupe se fait un nom et investit les scènes des environs. Au sein de cette association débarque notamment un mec à lunettes venu de la ville voisine de Garges, un certain Kenzy, doux rêveur persuadé de pouvoir créer un jour un grand label de rap, ainsi qu’un jeune danseur du cru qui se fait appeler Stomy Bugsy. Tous les week-ends, la petite bande répète à la MJC des Vignes Blanches et pose sur des instrus ficelées par DJ Desh (le seul type du coin à posséder des platines). Ensemble, ils façonnent un rap énervé, offensif, pétri de références qui dézinguent le système, de Malcolm X à Frantz Fanon. Sous la nouvelle bannière du Ministère A.M.E.R., les garçons de Sarcelles crèvent l’écran et le micro. Invité dans les studios de Radio Nova (émission Deenastyle de Dee Nasty et Lionel D), Moda ébouriffe son monde avec des phases farcies de double rimes tandis que ses potes vitupèrent en direct. Il faut les secouer pour rendre l’antenne. Bientôt, Kenzy, qui s’est imposé comme le manager du groupe, s’organise pour enregistrer leur premier maxi. Dans le petit studio de banlieue. La sortie du maxi Traîtres, en 1991, déclenche une vague d’hystérie à Sarcelles. Pour la première fois, des jeunes portent haut les couleurs de la ville. Dans les rues, on se sent fier d’être du coin. Ils sont, de fait, des dizaines à se rameuter quand les caméras de M6 débarquent pour tourner un clip avec le groupe. Avec la diffusion de ce dernier, la France découvre la tambouille souffreteuse qui bouillonne dans ses quartiers : le clip de «Traîtres» est le premier du genre à mettre en scène des hordes de minois énervés brassant de l’air en bas des tours. Un exercice de style qui vaut au Ministère A.M.E.R. de se retrouver dans le viseur des Renseignements Généraux. Ce succès a aussi un autre revers car le groupe est vindicatif et les maisons de disques préféraient plutôt le rap poétique façon MC Solaar . Résultat : aucune maison de disques ne souhaite signer le groupe qui reste tristement moulé dans le bitume de son quartier. Ensuite, l’époque est à la dispute. Moda et Kenzy, dont l’emprise sur le groupe devient de plus en plus nette, se chamaillent régulièrement sur la stratégie à adopter, sur la direction à prendre. Un conflit d’égo entretenu par une différence dont la symbolique ne parle qu’aux seuls initiés. En 1992, un an après la sortie du fameux maxi, Mariano Beuve, le producteur du groupe, parvient à trouver un deal pour lancer l’enregistrement d’un album. Les débuts de cette nouvelle aventure sont chaotiques : Moda tire la gueule, Hamed Daye est parti tenter sa chance sur les terrains de basket et Stomy Bugsy vient d’être réquisitionné pour le service militaire sur une base de l’armée de l’air en Alsace. Après s’être fait passer pour un fou en avalant une plaquette de cachets, le rappeur finit par être réformé et rejoint sa petite troupe. Suite à une énième discussions entre Mariano et Moda, la tension monte et Moda informe tout le monde qu'il quitte le groupe et exige que sa voix soit effacée des bandes. Kenzy était très énervé car l'album Pourquoi tant de haine était pratiquement terminé et que la sortie était prévue dans deux semaines. Passi et Stomy Bugsy ont dus réenregistrer tout l'album dans l'urgence.
De son vrai nom Daniel Fourneuf, Dan de Ticaret est né en 1960 et à grandi à Vitry sur Seine (Val de Marne). Jeune, il écoutait beaucoup Bob Marley et de la funk. A l'adolescence, il pratique le roller avec l'arrivé des walkman. Un hiver lors d'un séjour au ski, par hasard, il est dans la boite de la station au moment où le DJ annonce au patron qu'il est malade et qu'il ne pourra assurer la soirée ; le patron se tourne vers Daniel et lui propose de passer les disques. Daniel se débrouille bien et découvre le rap avec Deuce de Kurtis Blow suite à une écoute au préalable. De retour à Paris, il se met à la dance et abandonne ses rollers après avoir vu Crazy Legs Mister Freez (Rock Steady Crew) sur Paris (Bataclan) et Beat Street au cinéma. L'été suivant, en vacances à Ibiza, il se fait repérer par le patron de la boîte Space par ses talents de danseur (breaker) qui lui propose de venir danser les nuits suivantes contre rémunération. Il reste ainsi deux mois et y rencontre ainsi DJ Fab qui lui fait du smurf. L'année suivante, toujours à Ibiza, DJ Fab ramène ses platines et lui fait découvir Run DMC et Beastie Boy. En tant que Dj dans une boite, Daniel met du Run-DMC et il y a un mec (Jhony Go) qui dit : « Putain mais c’est qui ce DJ qui met ce son-là, il déchire ! ». Jhony Go et Destroy Man préparaient leur premier album avec Dee Nasty et Jhony Go proposé à Daniel (aka Dan) d’être leur DJ. L'album sort et Daniel s'achète une boutique à Stalingrad en 1986 qui vend des vêtements ; avec le temps, il fournit des ceintures avec les blazes pour les taggers du terrain vague de la Chapelle et puis commence à commercialiser des articles hiphop et plus particulièrement des vêtements, vinyles (Ticaret) à Stalingrad. Il rencontre Khéops (IAM) qui lui apprends quelques techniques de scratch. Un jour, Mariano Beuve qui trouvait ce que faisait Jhony Go un peu trop enfantin demande à Dan s'il ne connait pas un groupe de rap hardcore. Dan lui parle du Ministère A.M.E.R. qu'il connaissait pour avoir vendu leur T-shirt siglé « A.M.E.R » à la boutique.
Après avoir présenter le Ministère A.M.E.R. à Mariano, Dan de Ticaret devait de son côté préparer des musique pour l'album de Ministère A.M.E.R. mais voit arriver Moda qui lui annonce qu'il a quitter le groupe et qu'il souhaite que Dan lui fasse des musique. Les deux comparses se retrouvaient tous les soirs pour travailler sur les morceaux. Étienne de Crécy (ingénieur du son) qui travaillait à Plus XXX leurs donnait les accès au studio aux heures de fermetures pour qu'ils enregistrent un six titres concept qui finalement n'est jamais sortis (à part « Propre ou malpropre »). Puis un jour, Tefa passe à la boutique Ticaret et les informe que Jimmy Jay et Solaar préparent un compilation et qu'ils cherchent des bons rappeurs. Moda et Dan font passer une cassette avec trois titres (dont "Moda et Dan s'ennuie") que Jimmy Jay apprécie et les veut absolument sur sa compilation Cool sessions.
Le morceau est devenu l’un des trois singles, avec Ménélik notamment. Le son tournait en boucle sur radio Nova et la maison de disque souhaite en faire un clip. Jimmy Jay veut signer Moda et Dan mais ces dernier refuse car ils ne voulaient pas être dirigés par MC Solaar. Devant cet échec Jimmy Jay ne voulait plus faire la promotion du morceau de Moda et Dan. Le morceau s'est tout de même bien vendu et l'argent a été investi pour monter un studio dans le sous-sol de la boutique Ticaret.
Passi et Stomy Bugsy sont venus voir Moda pour qu'il leur présente Jimmy Jay mais ce dernier n'a jamais voulu, Kenzy s'en souviendra. En 1994, ils souhaitent sortir le maxi Ça se passe comme ça avec comme invités les Sages Po’, Driver, Kybla, Eben (futur 2Neg),…Le maxi a été pressé en indépendance en Angleterre à 500 exemplaires. Suite à des concerts, ils rencontrent le manager de la Brigade qui réussi a leur avoir un rendez-vous avec la directrice artistique de Columbia (Sony musique). Kenzy et Stomy Bugsy la connaissaient et cette dernière a donc refusé au dernier moment de les recevoir. Suite à cet échec, Moda et Dan n'ont jamais été signé en maison de disque. La Cliqua passait souvent dans les studios de Ticaret et leur présente Lunatic était un sous-groupe de Coup d’État Phonique qui était lui-même un sous-groupe de La Cliqua. C'est comme ça que Elie Yaffa (Booba) fait sont stage à Ticaret pour son BEP vente à cette période. Booba garda une grande estime pour Dan et voulait que la musique du crime paie soit produite par Dan, mais Ali n'aimait pas les premières versions des divers instrumentaux. Dan se consacrait plus à sa boutique et vendait beaucoup de vinyles en provenance direct de New-York via Spank (Kheops (IAM), Faster Jay (Alliance Ethnik), Dee Nasty, Cut Killer, DJ James et Goldfingers étaient aux aguets à chaque arrivage), mixtapes (Cut Killer a été le premier à déposer des mixtapes. Celles qui ont eu le plus gros succès, c’est Ménage à 3, Lunatic et La Cliqua), tee-shirts sérigraphiés, places de concerts, des blousons en jean avec le graff dans le dos, des colliers, des fanzines, des disques venant de Jamaïque, … De son côté, Moda se consacre à fond dans la musique. Dans leur studio du sous-sol, ils reçoivent beaucoup de rappeurs afin de leur donner un coup de pouce pour enregistrer. DJ Mehdi y a passé une bonne période à enregistrer des maquettes avec Kery James pour leur premier album, Original MC’s.
En 1996, ils sortent en indépendant chez Night & Day l'album Thèse / Anti-Thèse (Neg de la peg).
En 1997, Dan ouvre une seconde boutique aux Halles et un stand aux puces de Clignancourt pour vendre des sneakers. Joey Starr (NTM) a également essayé d'aider Dan en lui donnant de l'argent mais quelques mois plus tard la boutique a fermée. Suite à l'ouverture en 2000 de foot Locker aux Halles, la boutique de Ticaret ne fait pas le poids.
Depuis Dan est DJ résident le week end au réservoir. De son côté Moda a quitté le milieu hiphop pour devenir électricien.