Je rap donc je suis

Publié le 10 Juin 1999

Ce film circule dans cinq villes différentes pour des rencontres avec des rappeurs poussés par les mêmes motivations. Dans Paris et sa banlieue, Marseille et ses quartiers, Alger, Londres ou Berlin, ils bougent, jouent, enregistrent, enseignent… En dehors de tout cadre promotionnel, ces hérauts du hip hop, IAM, La Rumeur, Ministère AMER, Fonky Family, Roots Manuva, Jonzi D, Hamé… parlent du rôle du rap, de l’environnement dans lequel il est né, de l’ennui, du sentiment de faire partie d’une génération sacrifiée, de la drogue dans les quartiers, de l’immigration, des parents, des acteurs politiques et sociaux, de la police, de l’école, de l’écriture, de l’argent, de l’économie parallèle, de la violence… 

Le rap ? Une parole violente, une chronique sociale sans complaisance à l’heure du politiquement correct et du consensus mou. Vingt ans après ses premiers balbutiements dans les quartiers populaires de New York, il s’est imposé au-delà des frontières. 

Je rap donc je suis

Philippe Roizès retrace l'évolution rap français (parisien et sa banlieusard, marseillais...) en faisant une petite halte sur le rap londonien. Le documentaire souligne le caractère universel du rap comme moyen d’expression des luttes sociales et identitaires. Le film donne la parole à de nombreux acteurs majeurs de la scène rap française, tels que Solo, Akhenaton, Faf Larage, Mombi, Sat, Hamé, Yazid, Imhotep..., qui partagent leurs visions et expériences. Ces interventions enrichissent le récit en offrant une variété de perspectives, depuis les débuts du mouvement jusqu’à ses mutations contemporaines. 

Roizès déconstruit les clichés associés au rap : la violence, le machisme ou la superficialité. Il démontre que derrière les punchlines se cachent souvent des revendications sociales, des réflexions philosophiques et des récits authentiques. Cette approche éducative permet de réconcilier le grand public avec un genre souvent stigmatisé. Le documentaire insiste sur l’importance des mots dans le rap, considéré comme une forme de poésie moderne. Il met en lumière la richesse lexicale, les jeux de mots et les références culturelles qui font la force du rap français. 

Bien que le contenu soit riche, la réalisation reste assez conventionnelle, avec une succession d’interviews et d’images d’archives. Certains spectateurs auraient peut-être souhaité une approche plus immersive ou audacieuse. Le documentaire se concentre sur des figures établies et consensuelles, laissant de côté certains artistes plus underground ou controversés. Cela peut donner une vision un peu édulcorée de la diversité du rap français. Si l’ancrage local du rap français est bien traité, le lien avec la scène internationale, au-delà des origines américaines, aurait pu être approfondi. 

On notera la première apparition de la jeune et prometteuse rappeuse Keny Arkana

"Je rap donc je suis" est une œuvre incontournable pour comprendre la place et l’impact du rap dans la société française. Philippe Roizès parvient à montrer que le rap n’est pas qu’un style musical, mais une expression artistique et politique qui continue de marquer son époque. Malgré un format un peu sage, le documentaire remplit son objectif principal : valoriser et légitimer une culture souvent incomprise. Un must-watch pour les amateurs de rap comme pour les néophytes curieux. 

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S
Excellent Documentaire
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